Le 25 juin 2003, l’île Maurice se réveillait sous le choc. Le corps sans vie de Nadine Dantier, 23 ans, étudiante à l’Université de Maurice, était retrouvé dans un terrain en friche à Albion, à quelques pas de chez elle. Violée, battue, puis étranglée avec la manche de son propre pull, la jeune femme n’a jamais eu le temps de regagner son domicile ce jour-là. Vingt-deux ans plus tard, le crime reste non élucidé. Pourtant, une lueur d’espoir renaît : le gouvernement mauricien relance l’enquête avec l’aide d’experts internationaux, notamment ceux du prestigieux Scotland Yard. Car on court toujours derrière une vérité qui se dérobe depuis trop longtemps.
Une disparition brutale dans une fin d’après-midi ordinaire
Ce jour-là, Nadine termine son service chez Kentucky Fried Chicken, à Quatre-Bornes, à 17 h 15. Elle monte à bord d’un autobus Rose-Hill Transport à la Place Margéot et descend à Albion vers 17 h 45. Elle ne parviendra jamais jusqu’à l’avenue des Dauphins, là où l’attendaient ses proches. Son corps est découvert plus tard dans un champ voisin. L’autopsie, menée par les docteurs Abdool Khalick Mohungoo et Sudesh Kumar Gungadin, révèle une agression d’une extrême violence. Nadine a été violée, frappée, puis étranglée. Elle s’est défendue, mais son agresseur – décrit comme un homme de forte corpulence – a eu le dernier mot. Le choc est immense.
L’affaire est confiée à la Western Division CID et à la MCIT. Une dizaine de suspects sont arrêtés. Parmi eux, Marcelin Azie, un criminel notoire, finit par avouer. Il passe un an en détention, avant qu’un test ADN ne prouve qu’il n’a rien à voir avec l’affaire. Il accuse alors la police de l’avoir contraint à une confession sous la violence. En 2004, un autre détenu affirme avoir été impliqué, sous les ordres d’un proche de la victime. Mais ses déclarations manquent de consistance. L’enquête piétine. Les ADN prélevés sur plus de vingt personnes ne correspondent pas aux traces retrouvées sur le corps de Nadine.
En 2012, une lettre anonyme… et une nouvelle déception
En 2007, la famille Dantier entreprend une démarche poignante : ils demandent l’exhumation du corps de Nadine pour récupérer une lettre laissée par son petit ami, Bruno Tadebois, dans le cercueil, lors des funérailles. Cette lettre pourrait, selon eux, contenir des éléments cruciaux. Après une première demande refusée, une deuxième tentative aboutit. Le corps est exhumé le 24 novembre 2007. C’est le Dr Satish Boolell qui mène l’examen. La lettre est envoyée au Forensic Science Laboratory, mais l’analyse ne permet aucune avancée décisive. Le mystère reste entier. Neuf ans après les faits, une lettre anonyme redonne un court espoir à la famille. L’expéditeur y accuse un supérieur hiérarchique, un certain Vikash, d’être le véritable coupable. L’information, intrigante, suscite une vérification minutieuse. Mais là encore, les incohérences dans les détails font rapidement douter les enquêteurs. L’accusation est abandonnée.Entre-temps, plusieurs proches de Nadine – dont son beau-père Jean-Yvon Dantier et son compagnon Bruno Tadebois – sont soumis à des tests ADN. Tous s’avèrent négatifs.
Une relance attendue : Scotland Yard entre en scène
Face à l’accumulation de zones d’ombre et à la pression croissante de l’opinion publique, le gouvernement mauricien décide de rouvrir plusieurs dossiers non élucidés. Parmi eux : les affaires Soopramanien Kishen, Vanessa Lagesse, et bien sûr Nadine Dantier. Conscient des limites du système local, l’État fait appel à une collaboration internationale. L’expertise britannique est sollicitée. Des éléments du Scotland Yard, réputé pour ses méthodes de pointe dans les affaires classées « cold cases », interviennent désormais dans la réanalyse de ces dossiers sensibles. Un signal fort : l’État veut des résultats.
Pour la famille de Nadine, chaque année qui passe est une blessure rouverte. Chaque fausse piste est un cauchemar. Chaque silence administratif, une trahison. Mais l’espoir reste vivant. « On n’a jamais arrêté d’y croire. Quelque part, quelqu’un sait. Et un jour, il parlera », confie un proche. La famille croit en la justice des hommes, mais aussi en la justice divine. « Ces lâches ne pourront pas fuir éternellement. Leur conscience les rattrapera, ici ou ailleurs. »
Une affaire devenue affaire d’État
Le drame de Nadine Dantier n’est plus seulement une tragédie familiale. Il est devenu un symbole du combat pour la vérité, de la nécessité de moderniser l’enquête criminelle à Maurice, et de l’obligation de rendre des comptes. C’est aussi un test de crédibilité pour les institutions policières et judiciaires. Réussir à élucider ce crime, c’est restaurer la confiance d’un peuple dans sa justice. Scotland Yard, les laboratoires forensiques, les technologies ADN d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec celles de 2003. Reprendre le dossier, c’est offrir une nouvelle chance à la vérité. Une vérité que l’on poursuit depuis 22 ans, une vérité encore voilée, mais plus que jamais attendue.
Et peut-être, cette fois-ci, Nadine Dantier aura enfin droit à ce qu’elle mérite : justice.