Le 5 juin prochain, le monde entier célébrera la Journée mondiale de l’environnement, une date symbolique pour réfléchir à notre rapport à la planète. À Maurice, cette édition 2025 s’annonce particulièrement stratégique avec un thème criant d’urgence : “Ending Plastic Pollution”. Un thème qui fait écho à des réalités bien locales – nos plages souillées, nos rivières saturées de déchets, nos lagons menacés – mais qui se heurte aussi, trop souvent, à une gestion environnementale en demi-teinte.
Le Cabinet ministériel a pris note des activités prévues à cette occasion, sous la houlette du Ministère de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique. Et si les intentions affichées semblent louables, le contexte, lui, impose de questionner leur portée réelle. Car au-delà des campagnes de sensibilisation, la population attend surtout des résultats concrets, durables, visibles. Face à une planète qui suffoque, nous n’avons plus le luxe des demi-mesures.
Le ministère a annoncé vouloir réaffirmer l’engagement du gouvernement à garantir un environnement propre et sain, aussi bien pour les habitants que pour la biodiversité et l’économie mauricienne. Une déclaration nécessaire, mais qui ne suffit plus à rassurer les citoyens. Le pays reste confronté à de graves défis : pollution plastique galopante, décharges sauvages, déforestation silencieuse, bétonisation agressive, destruction des zones humides, et passivité administrative.
À l’heure où Maurice se présente comme un “paradis touristique durable”, les écarts entre discours institutionnel et réalité de terrain sont devenus flagrants. Certes, des lois existent, des règlements sont adoptés, mais leur application demeure lacunaire. Trop souvent, les pollueurs — petits ou grands — agissent en toute impunité, protégés par l’inefficacité des contrôles ou l’inaction des autorités locales.
Le grand atelier des bonnes intentions
Dans cette optique, le gouvernement a prévu l’organisation d’un atelier national sur l’application des lois environnementales, le 3 juin 2025, à l’Institut Atal Bihari Vajpayee. Cette initiative vise à rassembler toutes les agences d’application de la loi afin d’améliorer la coordination et la cohérence des actions. L’objectif est triple : renforcer la coopération inter-agences, réduire la duplication des efforts, et favoriser une approche plus efficace de la protection de l’environnement.
Une démarche pertinente, mais qui devra surmonter plusieurs obstacles : cloisonnement administratif, manque de formation spécialisée, pénurie de moyens humains, et surtout une culture de tolérance face aux infractions environnementales. Car le vrai défi ne réside pas dans la signature d’un protocole de coopération, mais dans son exécution sur le terrain, dans les zones rurales, les villes secondaires et les friches industrielles.
Campagnes, factsheets et vidéos : la sensibilisation comme levier
Pour sensibiliser la population, le ministère entend lancer dix fiches techniques et dix dessins animés pédagogiques sur des thématiques environnementales. Ces contenus seront diffusés à la télévision pour toucher un large public, notamment les jeunes.
En parallèle, une campagne nationale contre le dumping illégal et les actes d’insalubrité sera lancée. Cette campagne devra aller au-delà des slogans : elle devra éduquer, mais aussi sanctionner. Car les comportements inciviques sont souvent encouragés par l’absence de conséquences. Une simple affiche ne suffit pas à dissuader celui qui, chaque matin, jette ses déchets dans une rivière.
Le secteur public en ligne de mire : verdir l’administration
Autre initiative annoncée : la mobilisation des “Green Cells” dans les ministères, départements et organismes parapublics, pour relancer l’Action Plan for the Greening of the Public Sector. Une initiative ambitieuse qui vise à transformer l’administration publique en modèle de développement durable — gestion des ressources, réduction du gaspillage, recyclage, et mobilité verte.
Encore une fois, l’intention est louable. Mais combien de ministères utilisent réellement le tri sélectif ? Combien privilégient les achats responsables ? Combien réduisent leur empreinte carbone au quotidien ? Ces cellules vertes risquent de devenir de simples coquilles vides si elles ne sont pas accompagnées d’un vrai plan d’audit, de formation et d’obligation de résultats.
Vers une écologie citoyenne : le rôle des écoles et des collectivités
Dans le cadre de cette semaine dédiée à l’environnement, le ministère a aussi annoncé un projet pilote de recyclage de papier dans 10 écoles primaires et 10 écoles secondaires. Une belle façon d’impliquer les jeunes générations dès maintenant et de leur inculquer des réflexes durables.
Mais au-delà des établissements scolaires, les collectivités locales devraient elles aussi être mobilisées. Car la gestion de l’environnement passe d’abord par le terrain, par la proximité, par le dialogue avec les habitants. Trop souvent, les actions écologiques se décident en haut, dans les bureaux climatisés, sans véritable consultation avec les populations concernées.
Un observatoire de l’environnement : promesse ou vitrine ?
Enfin, la création d’un Observatoire de l’Environnement, en collaboration avec l’Agence Française de Développement, est annoncée comme un jalon majeur. Cet outil permettra, selon les autorités, de mieux mesurer les impacts des politiques publiques, d’évaluer les progrès, et d’orienter les décisions futures.
C’est un projet porteur de sens. Mais encore faut-il que cet observatoire soit transparent, accessible au public, et surtout indépendant. Un observatoire efficace doit être capable d’émettre des alertes, de publier des rapports critiques, et de résister aux pressions politiques. Il ne doit pas devenir une simple vitrine technocratique.
Entre espoir et méfiance : un pays à la croisée des chemins
“Ending Plastic Pollution” : le thème de cette Journée mondiale de l’environnement 2025 n’est pas anodin. Il résonne comme un cri d’alerte, un ultimatum planétaire. À Maurice, la volonté de faire mieux semble réelle, mais les actions doivent désormais parler plus fort que les mots.Nous sommes à un tournant. Soit nous décidons de prendre enfin nos responsabilités, en tant qu’individus, institutions, entreprises et collectivités, soit nous continuerons à “mettre un couteau dans notre environnement”, tranchant jour après jour dans le tissu fragile de nos écosystèmes. Maurice a les outils. Ce qu’il lui manque encore, c’est la constance, le courage, et la volonté de faire respecter la loi partout, pour tous.