« L’Intelligence Artificielle changera notre rapport au travail et à la gouvernance… »Cette affirmation de Dhaneshwar Damry , loin d’être une prophétie, devient chaque jour un peu plus une réalité. Le gouvernement y croit fermement, comme en témoigne le Blue Print pour la digitalisation présenté dans le Budget 2025-2026, qui repose sur cinq piliers, dont l’IA. Mais sommes-nous réellement prêts à franchir ce cap ? Avons-nous identifié notre place dans la chaîne de valeur africaine ? La concurrence est rude sur le continent, et Maurice ne peut plus se permettre d’être en marge. Il est temps de nous doter d’une stratégie pérenne pour faire émerger un produit-phare, capable de porter une industrie locale de l’intelligence artificielle, pensée par les Mauriciens et pour l’Afrique.
L’État a déjà pris les devants avec une IA déployée pour répondre aux questions des citoyens sur la Data Protection Act, dans un langage simple et accessible. À l’image de ChatGPT, cette application traduit la volonté de vulgariser un sujet complexe, en misant sur l’efficacité et la pédagogie.Mais l’IA, ce n’est pas qu’une innovation administrative. C’est un levier de transformation de tout l’appareil public. Selon une étude de Goldman Sachs, les gains de productivité issus de l’IA pourraient générer une croissance mondiale de 7 %. À Maurice, cette opportunité est inédite pour améliorer les performances de nos institutions et accélérer la modernisation de notre économie.
L’IA comme rempart contre la fraude
Les agents de la Financial Crimes Commission (FCC) sont aujourd’hui débordés par des dossiers de fraude. L’intégration de l’IA dans la gestion budgétaire permettrait d’anticiper les dépenses, d’identifier les anomalies et d’optimiser les allocations. Il s’agit là d’un outil précieux pour renforcer l’efficience de la dépense publique. Demain, chaque fonctionnaire pourra faire appel à l’IA pour « faire mieux avec moins ». Ce virage technologique, s’il est bien encadré, peut faire de l’administration un moteur d’innovation et de performance. Le gouvernement ambitionne ainsi une IA au service de l’intérêt général, ancrée dans les valeurs d’efficacité, de transparence et de redevabilité.
Toutefois, cette révolution technologique ne peut s’improviser. L’un des piliers du Blue Print prévoit justement une réforme du cadre légal et réglementaire encadrant l’usage de l’IA. Il est impératif de fixer des garde-fous éthiques. Car l’intelligence artificielle, en exploitant massivement des données personnelles, peut porter atteinte à la vie privée, notamment à travers la reconnaissance faciale, la vidéosurveillance ou le contrôle fiscal.
Le déploiement de l’IA dans l’espace public doit impérativement préserver nos libertés fondamentales. C’est pourquoi l’élaboration de lois robustes, associée à une gouvernance partagée entre public et privé, est une nécessité
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Savoir prendre la vague
L’IA peut aider à mieux cibler les politiques sociales, à détecter les bénéficiaires légitimes des aides, à améliorer le service aux citoyens. Elle peut aussi bouleverser notre rapport au travail, nos méthodes d’apprentissage, notre façon de gouverner.
Alors, que voulons-nous faire de cette technologie ? Subir le changement ou en devenir acteur ? Soit nous prenons la vague, soit elle nous engloutira. C’est à nous, en tant que société, de faire les bons choix, au bon moment. L’IA n’est pas une baguette magique, ni une menace en soi. Elle est un outil puissant, qui doit être mis au service du progrès humain. Maurice a les cartes en main pour transformer cette révolution en opportunité. Mais cela nécessite de la lucidité, du courage politique, de la rigueur éthique et une vision claire.
C’est maintenant que se joue notre avenir numérique. À nous d’en faire une histoire de progrès partagé, où l’intelligence artificielle rime avec intelligence collective.
…………CHE