De violents affrontements ont éclaté ce jeudi matin à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, causant la mort d’un civil thaïlandais et faisant plusieurs blessés. Cette nouvelle escalade militaire, la plus grave depuis près de quinze ans, ravive des tensions persistantes entre les deux pays voisins, qui se renvoient mutuellement la responsabilité des hostilités.
Selon le Bureau du Premier ministre thaïlandais, un obus d’artillerie en provenance du Cambodge a frappé une maison dans le district de Kap Choeng, dans la province de Surin, tuant un adulte et blessant grièvement un enfant de cinq ans, ainsi que deux autres civils. L’armée thaïlandaise a publié une image montrant une mare de sang devant la maison touchée.
Conflit autour de sites historiques
Les échanges de tirs ont éclaté à proximité de deux anciens temples khmers datant de l’époque d’Angkor, situés dans une zone frontalière disputée entre la province thaïlandaise de Surin et celle d’Oddar Meanchey au Cambodge. La zone est régulièrement le théâtre de tensions nationalistes, attisées par la valeur symbolique et stratégique de ces monuments.
L’armée thaïlandaise affirme que les hostilités ont débuté à 8 h 20, lorsque des forces cambodgiennes ont tiré en direction du temple Prasat Ta Muen Thom, situé à environ 200 mètres d’une base militaire thaïlandaise. Elle accuse également le Cambodge d’avoir déployé un drone dans la zone, et d’avoir envoyé six soldats lourdement armés vers une clôture frontalière.
En réponse, le ministère cambodgien de la Défense, par la voix de sa porte-parole Maly Socheata, accuse Bangkok d’avoir “violé l’intégrité territoriale” du Cambodge, justifiant une riposte “en légitime défense, en conformité avec le droit international”.
Montée des tensions diplomatiques
Dans la foulée de ces incidents, les deux capitales ont pris des mesures diplomatiques radicales : Bangkok a rappelé son ambassadeur à Phnom Penh et expulsé son homologue cambodgien. Phnom Penh, de son côté, a abaissé ses relations diplomatiques avec la Thaïlande à leur plus bas niveau.
Ces événements font suite à la mort, fin mai, d’un soldat cambodgien lors d’un précédent accrochage dans une autre zone contestée, surnommée le “Triangle d’émeraude”. La situation s’était déjà tendue après qu’un soldat thaïlandais a été grièvement blessé en marchant sur une mine. Selon Bangkok, ces engins auraient été posés récemment par le Cambodge, une accusation que Phnom Penh dément, évoquant des résidus de “guerres du passé”.
Conséquences économiques et militaires
Les conséquences de cette escalade dépassent le domaine militaire. Le Cambodge a suspendu l’importation de certains produits thaïlandais, tandis que la Thaïlande a restreint la circulation aux points de passage frontaliers. L’ambassade thaïlandaise au Cambodge a par ailleurs exhorté ses ressortissants à quitter le pays “le plus tôt possible”.
Face à la situation, le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a appelé à une gestion “prudente” de la crise, tout en affirmant sa volonté de défendre la souveraineté nationale. Du côté cambodgien, le Premier ministre Hun Manet a récemment annoncé l’instauration d’un service militaire obligatoire de 24 mois à partir de 2026, pour les jeunes de 18 à 30 ans.
Cette recrudescence de tensions intervient également dans un contexte politique tendu en Thaïlande, où la Première ministre Paetongtarn Shinawatra a été suspendue, notamment après une fuite diplomatique liée à un échange avec l’ex-Premier ministre cambodgien Hun Sen.

