L’affaire Maradiva, qui secoue le monde bancaire et entrepreneurial mauricien, implique une série d’acteurs de premier plan, dont Premchand Mungar, ancien CEO exécutif de la State Bank of Mauritius (SBM). Ce scandale repose sur des prêts importants accordés à la société Dhyanaavartam Ltd – entité propriétaire du luxueux Maradiva Villas Resort & Spa – aujourd’hui en liquidation. Entre les décisions bancaires contestées, les liens entre dirigeants et les soupçons de conflit d’intérêts, le dossier devient explosif.
Tout commence avec un prêt de Rs 430 millions approuvé par le Board de la SBM en faveur de Dhyanaavartam Ltd en avril 2022. Cette société est dirigée par nulle kobita Jugnauth . L’objectif officiel du financement : la rénovation du complexe hôtelier Maradiva. Cette décision survient dans un contexte où la situation financière du groupe bénéficiaire est jugée fragile. Ce prêt s’ajoute à un financement massif déjà consenti à la même entreprise par la Mauritius Investment Corporation (MIC), filiale de la Banque de Maurice. La MIC a accordé à Dhyanaavartam Ltd un total de Rs 1,65 milliard réparti en trois tranches : Rs 650 millions en décembre 2020, Rs 650 millions en décembre 2022, et enfin Rs 350 millions début 2024. Officiellement, ce financement devait couvrir les coûts de rénovation et servir à rembourser le prêt SBM.
Les alertes internes ignorées ?
Ce qui alimente les soupçons, ce sont les nombreux signaux d’alerte relevés en interne. Selon un procès-verbal accablant consulté par la Financial Crimes Commission (FCC), la direction de la SBM aurait ignoré les mises en garde de son propre Credit Risk Department. Celui-ci avait classé l’emprunteur comme un « client à risque de non-remboursement ». Des administrateurs indépendants de la SBM s’étaient opposés à cette transaction, en vain.
Les enquêteurs de la FCC soulignent aussi que Premchand Mungar aurait directement influencé la décision en s’appuyant sur ses connexions avec la direction de Dhyanaavartam Ltd. L’ex-CEO de la SBM a d’ailleurs été arrêté, puis libéré sous caution, alors que la FCC continue d’interroger d’autres acteurs liés à la transaction.
Une liquidation qui soulève les tensions
Au cœur de la tourmente, Dhyanaavartam Ltd a entamé une procédure volontaire de liquidation. Cette démarche est fortement contestée par la SBM qui y voit une tentative d’échapper à ses obligations de remboursement. En effet, la banque estime que la liquidation pourrait empêcher tout recouvrement efficace de la dette de Rs 430 millions encore due. Les avocats de la SBM ont introduit une requête pour contester cette liquidation, mettant en avant l’existence d’un virement suspect d’actions entre sociétés sœurs du groupe Jngampat juste avant l’ouverture de la procédure. La SBM soupçonne que cette manœuvre a pour but de transférer les actifs et de faire échec au paiement.
Des enjeux juridiques et politiques majeurs
La MIC, en tant que créancier principal avec Rs 1,65 milliard injectés, se retrouve elle aussi exposée. Le conseil d’administration de la MIC avait pourtant exprimé des réserves sur le dossier, mais l’octroi du financement a été maintenu. Le PDG de la MIC, Jitendra Bissessur, a déclaré que les engagements initiaux de remboursement n’avaient pas été respectés par la société bénéficiaire. À cela s’ajoute la question du bail foncier du terrain sur lequel se trouve Maradiva. Selon une clause du contrat signé avec le ministère du Logement et des Terres, la liquidation entraîne automatiquement l’annulation du bail. Si cette disposition est appliquée, le terrain reviendrait à l’État, ajoutant une dimension supplémentaire à cette affaire complexe.
D’autres interpellations à prévoir ?
L’enquête de la Financial Crimes Commission (FCC) est loin d’être close. Après l’arrestation et la libération sous caution de Premchand Mungar, ex-CEO exécutif de la SBM, les enquêteurs élargissent désormais leur champ d’action. Selon nos informations, plusieurs membres influents du conseil d’administration de Dhyanaavartam Ltd pourraient être appelés à s’expliquer Parmi eux : Kobita Jugnauth, actuelle présidente du conseil d’administration , Kailash Sanjiv Ramdanee, frère de Kobita , Lady Ursule Ramdanee, mère de Kobita , Derek Lam Po Tang, homme d’affaires et administrateur
Ces figures, toutes liées d’une manière ou d’une autre au pouvoir politique ou aux cercles économiques, pourraient bientôt être entendues par la FCC sur leur rôle dans la gestion de l’entreprise, l’approbation des demandes de financement et la décision controversée de procéder à une liquidation volontaire.L’objectif de ces convocations ? Déterminer s’il y a eu abus de position, manquement au devoir fiduciaire ou collusion dans le but d’obtenir des financements bancaires à haut risque, qui pourraient ne jamais être remboursés.
Dans le collimateur également : les liens personnels entre les emprunteurs et les hauts dirigeants bancaires, ainsi que l’éventuelle pression exercée sur les comités de crédit de la SBM et de la MIC. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour lever le voile sur cette affaire aux ramifications tentaculaire