Crime financier : Quand les courtiers automobiles roulent pour les narcos

ByRédaction

June 16, 2025

Le cas Robert Banee éclabousse tout un secteur


Le monde feutré des concessions automobiles de luxe à Maurice se retrouve au cœur d’un véritable séisme judiciaire. Chandradip Banee, plus connu dans le milieu comme Robert, courtier automobile établi de longue date à Castel et gérant de Star Motors Ltd, est devenu cette semaine le premier inculpé sous la section 45(2) de la Financial Crimes Commission Act pour son rôle présumé dans le financement indirect d’activités de trafic de drogue.

Selon la Financial Crimes Commission (FCC), Banee aurait mis à disposition plusieurs voitures de luxe à Jean Jimmy Alexis, individu soupçonné d’être à la tête d’un vaste réseau de narcotrafic. Présenté en cour de Curepipe, l’homme d’affaires a vu sa première demande de libération rejetée, avant d’être finalement libéré sous caution de Rs 150 000 de caution une reconnaissance de dette de Rs 5 millions, et obligation de se présenter trois fois par semaine au poste de police le plus proche.


Véhicules de prestige pour réseaux de l’ombre
Vendredi dernier, les enquêteurs ont saisi une Land Rover Defender estimée à Rs 9 millions, appartenant à Banee mais louée à Jean Jimmy Alexis pour Rs 40 000 la semaine. Une BMW M2 et une Ford Raptor ont également été retrouvées chez d’autres courtiers à Pailles et Quatre-Bornes. La FCC suspecte l’existence d’un réseau de dissimulation d’actifs, basé sur la mise à disposition de véhicules de prestige au nom de tiers, tout en masquant les véritables bénéficiaires — des trafiquants de drogue opérant à visage caché.Chez la belle-mère de Jean Jimmy Alexis, Ivonia Milazare, les autorités ont mis la main sur : une Mercedes AMG GLA, une Toyota CH-R, six motocyclettes, des bijoux valant près d’un million de roupies, et un téléviseur de luxe.
La section 45(2) du FCC Act 2023 permet désormais de cibler ceux qui facilitent ou financent indirectement des activités criminelles, même sans implication directe dans le trafic de drogue lui-même. C’est une évolution stratégique dans la lutte contre les crimes financiers :
« Il ne suffit plus de frapper les dealers. Il faut suivre l’argent, les voitures, les actifs, et ceux qui les protègent », explique une source proche du dossier.

‘’ Il ne suffit plus de frapper les dealers. Il faut suivre l’argent..’’
Ce n’est pas la première fois que Chandradip Banee est inquiété par la justice. En 2023, il avait déjà été interpellé dans l’affaire Jean Hubert Celerine, alias Franklin, suite à la saisie de plusieurs Ford Raptor. Bien que libéré sous caution à l’époque, son nom refait surface dans un nouveau scandale de blanchiment à grande échelle.
Cette affaire jette une lumière crue sur les zones grises du secteur automobile à Maurice. Véhicules non déclarés, locations informelles, transferts entre concessionnaires peu transparents… La FCC entend frapper fort. “Désormais, toutes ventes de véhicules devraient se faire par chèque ou chèque bancaire uniquement”, prévient une source réglementaire.
“Les paiements en cash devront faire l’objet de déclarations obligatoires aux autorités fiscales et financières.”Un registre des propriétaires effectifs et des bénéficiaires réels de véhicules de luxe est également en discussion.


Vers un durcissement des règles du jeu
La FCC s’attaque à l’écosystème opaque qui permet aux trafiquants d’afficher une vie deluxe sans justificatif légal : sociétés écrans, voitures immatriculées au nom de proches, paiements dissimulés ou fractionnés.Avec cette nouvelle approche, l’objectif est clair : assécher les circuits de financement du crime organisé. Un signal fort au monde des affaires En visant non plus seulement les narcotrafiquants mais ceux qui les aident à vivre dans l’ombre, la FCC envoie un message fort aux autres secteurs à risque : “Si vous facilitez, vous êtes complice.”

Le FCC Act garantit dorénavant la protection des informateurs et des témoins
À l’initiative de la Financial Crimes Commission (FCC) et du ministère de l’Éducation, une centaine de chefs d’établissement se sont réunis cette semaine au Integrated Customs Clearance Centre de la MRA à Plaine Magnien pour un atelier inédit : « Prévenir les crimes financiers : le rôle des recteurs ».Et c’est le Président de la République Dharam Gokhool qui a tenu à marquer cette initiative de sa présence.
Dans une intervention forte et sans détours, le Président Gokhool a lancé un appel vibrant aux responsables scolaires.« Les recteurs ne sont pas de simples gestionnaires. Ce sont des architectes moraux », a-t-il affirmé.Il a exhorté les éducateurs à ancrer, dès le plus jeune âge, une culture d’honnêteté, de responsabilité et de justice. Face à la montée inquiétante des crimes financiers, le Chef de l’État a été clair : « Combattre la corruption doit être auss prioritaire que lutter contre la drogue. »
Drogue, arnaques numériques et dérives dans certaines écoles : l’alerte est donnée.

Le Directeur général par intérim de la FCC, M. Titrudeo Dawoodarry, a dressé un constat alarmant : usage croissant de drogues chez les jeunes, infiltration progressive de réseaux criminels dans les écoles, et normalisation de pratiques douteuses.
Mme Aneeta Ghoorah, Médiatrice pour les enfants, a, elle aussi, tiré la sonnette d’alarme. «Aujourd’hui, nos élèves sont les cibles d’escroqueries numériques, de détournements de fonds internes, voire de fraudes dans certains établissements privés. »
Elle a appelé à une vigilance renforcée de la part des chefs d’établissement et des parents, tout en insistant sur la nécessaire collaboration avec les autorités de régulation. Clubs d’intégrité et feuille de route nationale : un changement de culture est en marche Depuis quelques années, la FCC et le ministère de l’Éducation ont mis en place une stratégie concrète des campagnes de sensibilisation et aujourd’hui, une feuille de route nationale en élaboration.Lors de la session plénière, plusieurs problématiques majeures ont été soulevées par les recteurs :

 Pressions hiérarchiques et intimidations dans l’exercice de leur fonction ;
 Manque de protection pour les lanceurs d’alerte dans le système éducatif ;
 Procédures administratives floues ou trop lentes ;
 Nécessité d’une harmonisation des pratiques entre établissements.

“Briser le silence est un acte de courage”
La FCC a rappelé que des canaux confidentiels et sécurisés sont mis à disposition pour tous les acteurs du système éducatif. Le FCC Act 2023 garantit dorénavant la protection des informateurs et des témoins. « Il faut rompre avec la loi du silence », a insisté M.Dawoodarry. « Signaler les dérives, c’est le premier pas vers un système plus sain. La transparence commence par le courage individuel. »
Alors que les crimes financiers se complexifient et que les jeunes deviennent des cibles de plus en plus vulnérables, les recteurs se retrouvent au cœur du dispositif de prévention.
Ils sont appelés à devenir des modèles d’intégrité, traduisant les valeurs éthiques en actions pédagogiques concrètes, en leadership éthique et en engagement visible. Dans une société qui aspire à plus de justice, l’école est le premier rempart, et ses recteurs, les généraux silencieux de cette armée de l’intégrité.

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