Arrestations musclées, détentions abusives, déclarations forcées… L’actualité récente remet sur le devant de la scène une question essentielle : connaît-on réellement nos droits ? Pour Me Yatin Varma, avocat pénaliste et ancien Attorney General, « trop de personnes cèdent à la peur ou à la pression policière, par méconnaissance de ce que la Constitution leur garantit ».
Eclairages

Selon Me Varma, l’arrestation est un acte grave qui doit reposer sur des fondements solides :
« Une personne peut être arrêtée uniquement s’il existe un soupçon raisonnable qu’elle a commis une infraction. Ce n’est pas une simple intuition. Il faut des éléments concrets. »
Une arrestation peut se faire avec ou sans mandat, mais dans tous les cas, l’individu doit être informé des raisons de son arrestation en des termes clairs et dans une langue qu’il comprend. « Il arrive trop souvent que l’on dise à un suspect : “On va t’expliquer plus tard.” Cela va à l’encontre du droit fondamental à l’information immédiate. »
Droit à l’assistance légale
Dès l’arrestation, la personne a droit à un avocat de son choix. « Ce droit ne doit pas être perçu comme un luxe ou une faveur. C’est une garantie contre les abus », rappelle l’ancien AG.
L’accès à un avocat comprend :
- Le droit à un entretien téléphonique avec lui.
- Le droit de ne pas faire de déclaration sans sa présence.
- Le droit de refuser de signer tout document non compris.
« Il faut être ferme. Aucun policier ne peut forcer un suspect à parler ou signer. Même sous la menace d’un refus de libération sous caution. »
Droit au silence… et à la prudence
Me Varma insiste :
« Toute personne a le droit de garder le silence. C’est un droit constitutionnel. Aucun juge ne peut en tirer une conclusion négative. »
Il met également en garde contre les promesses de “sortie rapide” en échange d’une déclaration :
« Trop de suspects tombent dans ce piège. Ils parlent pour être relâchés, mais leurs propos sont utilisés contre eux par la suite. »
Être présenté rapidement devant un tribunal
Une personne arrêtée doit être présentée sans délai devant un magistrat. Ce principe évite les détentions prolongées arbitraires.
« En général, cela doit se faire dans les 48 heures. Tout retard injustifié est un motif de contestation judiciaire. »
Et pour les enfants ?
Maître Varma rappelle que les mineurs bénéficient de protections renforcées :
- Les moins de 14 ans ne peuvent pas être poursuivis pénalement.
- Les 14–18 ans ne peuvent être interrogés qu’en présence d’un parent, tuteur ou officier de probation.
« Si un mineur est arrêté, c’est un devoir pour les policiers de contacter ses parents. Aucun interrogatoire ne peut avoir lieu seul, à huis clos. »
Et les étrangers ?
Les ressortissants étrangers doivent bénéficier d’un interprète qualifié, et peuvent solliciter l’assistance de leur ambassade.« L’égalité devant la loi s’applique aussi aux étrangers. La barrière de la langue ne doit jamais être utilisée contre eux. »
Droit aux soins et conditions dignes
Toute personne arrêtée a droit à une prise en charge médicale, notamment si elle est blessée ou malade.
« Refuser à un détenu un accès aux soins est une violation grave des droits humains. »
Il insiste également sur la dignité pendant l’interrogatoire :
- Pas de violence.
- Pas de chantage.
- Pas d’interrogatoire prolongé sans pauses.
« Les aveux arrachés sous la contrainte n’ont aucune valeur devant un tribunal. »
Droit à réparation
En cas d’arrestation ou de détention illégale, une action en justice est possible.
« Une personne injustement arrêtée peut réclamer des dommages. La Cour suprême l’a déjà confirmé dans plusieurs jugements. »
Encadré : Ce qu’il faut retenir (par Me Yatin Varma)
- Vous avez le droit de garder le silence.
- Vous avez le droit à un avocat dès le début.
- Vous ne devez rien signer que vous ne comprenez.
- Vous devez être traité avec dignité.
- Aucun aveu ne doit être forcé.
- Un mineur ne peut être interrogé seul.
- Tout abus peut être contesté devant la justice.
Pour Me Yatin Varma, il est essentiel de démocratiser l’accès à l’information juridique :
« Trop de gens, surtout dans les régions rurales ou défavorisées, ignorent leurs droits fondamentaux. Cela favorise les abus, les arrestations arbitraires, les aveux forcés. Il faut une campagne nationale d’éducation juridique. » À Maurice, les droits existent. Mais les connaître, c’est les activer. Et les faire respecter, c’est garantir la justice pour tous.