S’il fallait choisir un mot, ou plutôt une expression, pour résumer l’ambiance délétère de l’année 2025 à Maurice, ce serait sans aucun doute Reward Money. Deux mots qui claquent comme une gifle en pleine figure et qui, depuis quelques mois, ont fait basculer notre pays dans une zone de turbulence morale, judiciaire et institutionnelle. Reward Money, cette prime alléchante censée récompenser les policiers pour leur zèle, s’est muée en outil de manipulation, de règlements de comptes et d’abus de pouvoir. Et ce qui devait motiver les hommes en uniforme est aujourd’hui au cœur d’un scandale national.
La boîte de Pandore a été ouverte, et il est désormais impossible d’en refermer le couvercle sans que l’air ne soit chargé de soupçons et de scandales. Ce système, en apparence anodin, dissimulait un mécanisme plus vaste, plus sombre. Derrière chaque prime accordée, derrière chaque dossier d’arrestation présenté comme un trophée, se cache désormais une question : la justice a-t-elle été rendue… ou monnayée ?
L’interrogatoire imminent de hauts gradés de la police, dont l’ACP Lilram Deal, a mis en lumière les dérives du système. Le reward money n’a pas seulement corrompu l’éthique policière. Il a favorisé des logiques de quotas, des cibles arbitraires, des injustices criantes. Le citoyen lambda, qu’il soit innocent ou coupable, pouvait se retrouver dans le viseur s’il pouvait rapporter gros à son dénonciateur en uniforme. Plus qu’un outil de motivation, la prime est devenue une arme de dissuasion, voire d’intimidation. Et derrière ce mécanisme se dressent des figures troubles, des connivences avec des politiques, des pressions de l’ombre.
Ce n’est pas le concept de reward en lui-même qui est à bannir. Des primes existent dans de nombreuses juridictions, mais elles sont régies par des garde-fous stricts, des critères objectifs, et surtout, elles sont transparentes. À Maurice, c’est l’opacité, l’absence de contrôle indépendant et la culture du silence qui ont fait de ce système une dérive institutionnalisée.
Et que dire de l’inaction prolongée de certaines autorités ? Pendant des années, des signaux d’alerte ont été ignorés, des témoignages étouffés, des journalistes intimidés. Aujourd’hui, la société se retrouve face à une désillusion brutale : ceux qui devaient faire respecter la loi ont pu s’enrichir sur son dos.
Ce scandale n’est pas qu’une affaire policière. Il interroge notre rapport à l’autorité, notre tolérance face à l’impunité, et notre résilience démocratique. La confiance du public envers les institutions régaliennes — police, justice, gouvernement — est désormais profondément entamée. Et les excuses ne suffisent plus. Ce qu’il faut, c’est une réforme en profondeur, un audit complet du système, des sanctions exemplaires, et un retour à des principes clairs : justice, équité, transparence.
L’année 2025 restera comme celle où le mot Reward Money est devenu le symbole d’un dysfonctionnement profond. Mais elle peut aussi être celle où, à partir de cette prise de conscience collective, naîtra un nouveau pacte éthique. À condition, bien sûr, que la boîte de Pandore n’ait pas déjà tout consumé.