« Maurice a tout pour devenir la plateforme stratégique du continent Africain»

ByRédaction

July 29, 2025

Alors que la troisième édition du Forum du Commerce et de l’Investissement africain s’est tenue à Dubaï, une dynamique inédite est en marche. Le Made in Africa, autrefois slogan symbolique, devient un levier concret de transformation industrielle, de mobilisation financière et d’intégration logistique. À la manœuvre : une alliance stratégique entre Maurice, l’Afrique et les Émirats Arabes Unis. Rhavy Nursimulu, directeur de Logi Consult, revient sur les retombées du forum, les ambitions du label Made in Africa et le rôle de l’île Maurice comme hub économique régional.

Vous avez conclu la troisième édition du Forum du Commerce et de l’Investissement africain à Dubaï. Quelles sont, selon vous, les principales retombées de cette série d’événements pour les entreprises africaines ?

Ce forum représente bien plus qu’un cycle d’événements : c’est le début d’une nouvelle architecture du commerce africain, pensée en trois temps. À Ébène, nous avons posé les bases en positionnant le Mauritius International Financial Centre (IFC) comme passerelle vers les marchés de capitaux, tout en mettant en avant notre Freeport comme outil logistique régional. À Abidjan, nous avons renforcé cette trajectoire avec l’Afrique de l’Ouest et centrale. Et à Dubaï, nous avons consolidé cette dynamique en réunissant des partenaires internationaux autour d’un objectif clair : bâtir un écosystème africain durable, fondé sur la transformation locale, la connectivité régionale et le financement ciblé. L’élan est lancé. Le défi est désormais d’accompagner les entreprises identifiées avec les outils concrets : capital, infrastructures, logistique et marchés.

« Ce forum pose les fondations d’un nouvel ordre commercial africain »

Quels types de projets ou de partenariats sont sortis de ces forums ?

Les retombées sont déjà tangibles. Nous assistons à une mobilisation de capitaux dans les secteurs de l’énergie et de l’agro-industrie, avec des investissements destinés à structurer des chaînes de valeur régionales. Un projet de digitalisation du commerce interafricain est également en cours, visant à fluidifier les échanges, renforcer la transparence et accélérer l’intégration économique continentale. Dans cette dynamique, le label Made in Africa, actuellement en gestation au sein de l’Union africaine, donne un cadre institutionnel à nos initiatives. De nombreuses joint-ventures se créent autour de marques africaines à haute valeur ajoutée, dans une logique de production transformée et exportable. L’Afrique n’a plus vocation à n’être qu’un réservoir de matières premières. Elle devient force de proposition industrielle.

Quel rôle spécifique Maurice peut-elle jouer dans cette dynamique ?

Maurice est idéalement positionnée pour devenir un centre stratégique du Made in Africa. Elle ne peut plus se contenter d’être un centre financier offshore ; elle doit devenir une plateforme commerciale et industrielle de nouvelle génération.

Le Freeport mauricien peut se réinventer en hub de transformation pour l’Afrique de l’Est, australe et l’océan Indien. Cela implique la modernisation de nos infrastructures portuaires, mais aussi la mise en place de services intégrés de transformation, d’emballage, et de logistique à valeur ajoutée. Maurice ne doit plus être un point de transit, mais un maillon fort des chaînes de valeur africaines, connecté aux marchés asiatiques, européens et du Golfe.

« Le Made in Africa doit devenir un label de qualité, pas un simple slogan »

Que propose aujourd’hui l’écosystème mauricien aux entreprises africaines ?

Maurice offre désormais une palette complète de services pour accompagner les entreprises africaines. La Mauritius Commercial Bank (MCB) développe des solutions de trade finance adaptées au continent. AFG Capital se distingue par sa capacité à structurer des financements sur mesure. Et la BCP Mauritius, filiale de la Banque Centrale Populaire du Maroc, renforce le lien entre Maurice et les marchés francophones et maghrébins.

Au-delà du financement, Maurice propose un guichet unique englobant services logistiques, douaniers, juridiques et fiscaux. Avec son bilinguisme, sa stabilité, son droit inspiré du système britannique et son cadre réglementaire internationalement reconnu, l’île peut devenir une juridiction neutre, hybride, au service des ambitions africaines.

Comment les pays africains peuvent-ils transformer le label Made in Africa en levier de développement industriel ?

Il faut maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur — de la matière première au produit fini. Le Bénin, avec sa filière textile complète, ou le Kenya, devenu pôle technologique régional, montrent que c’est possible.Mais pour généraliser ces modèles, il faut investir massivement dans les infrastructures logistiques et industrielles. Les corridors multimodaux — routes, rails, ports, aéroports — sont essentiels. Il faut aussi renforcer les synergies régionales, en mobilisant les agences nationales d’investissement et les chambres de commerce. Enfin, la qualité, la traçabilité, et le storytelling doivent porter le label Made in Africa, pour en faire un vrai gage de confiance.

« Sans intégration régionale et logistique moderne, l’Afrique restera fragmentée »

Le forum a-t-il révélé certains obstacles structurels ?

Oui, trois défis principaux : le premier est politique. Sans intégration régionale solide, les ambitions continentales restent fragiles. La fragmentation de blocs comme la CEDEAO affaiblit les projets communs.

Le deuxième obstacle est logistique. Aujourd’hui, transporter une marchandise entre deux capitales africaines coûte souvent plus cher que vers l’Europe. Il faut sortir d’un modèle hérité d’exportation brute et créer des hubs logistiques interconnectés.

Troisième frein : les barrières tarifaires. Malgré la ZLECAf, les droits de douane et les procédures non harmonisées freinent le commerce intra-africain. Ces dimensions doivent être abordées de manière continentale et coordonnée.

Quel rôle jouent les Émirats Arabes Unis dans cette dynamique ?

Les Émirats, avec des groupes comme DP World, investissent massivement dans la création de corridors logistiques en Afrique. Leur modèle Made in UAE, structuré, exportable, inspire. Cela encourage des joint-ventures Afrique–Émirats fondées sur le co-investissement, le transfert de technologies et l’ouverture de nouveaux marchés. Ce partenariat Sud–Sud marque un tournant stratégique vers une nouvelle forme de coopération économique.

« À la jeunesse africaine : n’attendez pas, créez, innovez, osez ! »

Comment renforcer la confiance des investisseurs dans le label Made in Africa ?

Il faut garantir la stabilité politique, un cadre juridique prévisible, et des institutions crédibles. Les investisseurs veulent des assurances sur la sortie de capital, la protection de leurs actifs et des mécanismes d’arbitrage fiables. Maurice, en tant que juridiction neutre et alignée aux standards internationaux, peut jouer un rôle structurant.

Mais il faut aussi réduire les coûts logistiques et administratifs, et investir dans les talents africains. Le capital humain — les femmes, les jeunes, les ingénieurs — est le moteur de l’Afrique de demain.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes entrepreneurs africains ?

C’est maintenant ou jamais. L’Afrique est prête. Elle n’est pas uniquement un réservoir de ressources naturelles ; elle est une source de solutions, d’idées, de talents.

À la jeunesse africaine, je dis : n’attendez pas la permission. Créez, osez, innovez. Le Made in Africa n’est pas un repli défensif : c’est une marque de qualité et de fierté. Pensez global. Pensez continental. Vous êtes le levier du changement. C’est vous qui écrirez la prochaine page de l’histoire économique du continent.

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