Un témoin peut-il se rafraîchir la mémoire à partir d’une déclaration ancienne ? Oui, tranche la justice mauricienne. Dans une décision rendue le 6 mai 2025, la Cour intermédiaire, siégeant dans sa division des crimes financiers, a validé l’utilisation d’un témoignage ancien pour aider un témoin à se souvenir lors d’un procès pour corruption.
L’affaire oppose la Independent Commission Against Corruption (ICAC) à Geanchand Dewdanee, accusé d’un acte de corruption remontant à 2011. Il plaide non coupable. Le procès, qui a déjà dû redémarrer à trois reprises devant différents magistrats, connaît ainsi un nouveau rebondissement.
La mémoire contre l’oubli
Lors de l’audience, un témoin clé du ministère public a déclaré ne plus se souvenir du numéro de série d’un billet de banque impliqué dans l’affaire. Un détail crucial. Pour combler cette faille mémorielle, la poursuite a demandé à rafraîchir la mémoire du témoin à l’aide d’une déclaration qu’il avait faite à la police… le jour même des faits.
La défense a immédiatement objecté, arguant que :
- le témoignage principal à l’ICAC avait été enregistré un an après les faits (donc non contemporain),
- et que la déclaration à la police n’avait jamais été communiquée à l’accusé au cours de l’enquête.
Le droit de se souvenir
Mais la Cour, après avoir entendu les arguments des deux camps, a tranché en faveur du parquet. Selon elle, des principes juridiques reconnus permettent à un témoin de consulter des documents antérieurs — à condition qu’ils datent d’une époque proche des événements.
En clair : tant que les documents de référence sont fiables et permettent une remémoration fidèle des faits, leur usage est légal pour rafraîchir une mémoire défaillante. Le tribunal a donc autorisé le témoin à relire sa propre déclaration policière de 2011.
Un précédent rassurant
Cette décision établit un précédent important pour les affaires de corruption et de criminalité économique à Maurice. Elle rassure les autorités sur un point fondamental : malgré les délais parfois exceptionnels entre les faits et le procès, les témoins ne seront pas livrés à eux-mêmes ou à l’épreuve injuste d’un « test mémoire ». Le système judiciaire leur offrira un appui — leurs propres mots, consignés au bon moment.
Dans les méandres d’une justice lente, cette affaire rappelle qu’un souvenir bien consigné vaut parfois plus qu’un témoignage improvisé.