Budget 2025-2026 : Entre rigueur budgétaire, relance économique et impératifs sociaux

ByRédaction

June 2, 2025

Le 5 juin 2025 marquera un moment décisif pour Maurice. Pour la première fois depuis son retour au pouvoir en novembre dernier, le Premier ministre et ministre des Finances, le Dr Navin Ramgoolam, présentera un exercice budgétaire attendu au tournant. Et pour cause : il devra faire preuve
d’équilibrisme dans un contexte économique particulièrement tendu. Entre une dette publique proche de 90 % du PIB, des revendications sociales pressantes et des incertitudes géopolitiques mondiales, la marge de manœuvre est mince. Le Premier ministre lui-même a annoncé la couleur : le budget 2025-2026 sera difficile, mais devra poser les fondations d’un redressement responsable et équitable.


Des consultations multisectorielles pour baliser les priorités
Pour mieux orienter les décisions budgétaires, le ministère des Finances, sous l’impulsion du ministre délégué Dhaneshwar Damry, a engagé ces dernières semaines une série de consultations approfondies avec les acteurs économiques, syndicaux et de la société civile. Ces échanges ont permis de dégager des axes d’intervention prioritaires : protection du pouvoir d’achat, relance de l’économie, justice fiscale, création d’emplois durables, investissements dans les services publics essentiels. Un mot revient dans
toutes les bouches : équilibre. Car le budget devra être à la fois rigoureux – pour redresser les comptes publics – et solidaire – pour répondre à la souffrance de nombreuses familles.


Pouvoir d’achat : la préoccupation centrale des Mauriciens
Avec une inflation annuelle de 3,8 % enregistrée en avril 2025, le quotidien devient plus difficile pour la majorité des citoyens. L’augmentation des prix des denrées alimentaires, du transport, de l’énergie et des loyers érode continuellement les revenus disponibles. Le Mauritius Trade Union Congress (MTUC) plaide ainsi pour une revalorisation significative du salaire minimum, à Rs 25 000 mensuels, estimant que ce seuil est désormais nécessaire pour vivre dignement. En parallèle, des appels sont lancés en faveur d’un allègement fiscal ciblé pour les classes moyennes, et de subventions accrues sur les produits de base.


Relance économique : trouver un nouveau souffle
Pour sortir d’un cycle de croissance molle, de nombreux économistes, dont Anthony Leung Shing de PwC Mauritius, appellent à un plan de relance clair, ambitieux et stratégique. Cela implique des investissements ciblés dans les infrastructures structurantes – port, aéroport, réseaux logistiques –, mais aussi un appui renforcé aux secteurs porteurs comme le tourisme, les services financiers, la logistique et les technologies. Dans un pays à faible capital humain, la question de la formation professionnelle et de l’attractivité des talents étrangers devient également cruciale.
Dans le même temps, une rationalisation des dépenses publiques s’impose. Le débat sur la soutenabilité des pensions universelles et des aides sociales non ciblées revient avec force. Le gouvernement devra faire des choix difficiles pour éviter l’effet “trou noir” des dépenses courantes.


Tourisme : reconstruire en misant sur la qualité et la durabilité
Secteur pilier de l’économie, le tourisme a connu une reprise post-pandémie encourageante, mais reste exposé à de nombreuses incertitudes. Les opérateurs demandent une diversification des marchés, en particulier vers l’Asie et le Moyen-Orient, ainsi qu’un soutien accru à l’écotourisme et au tourisme culturel. Des incitations fiscales pour la modernisation des hôtels et la formation du personnel sont également souhaitées, tout comme une stratégie de résilience climatique pour le secteur.


PME et grandes entreprises : réduire les freins à l’initiative
Les petites et moyennes entreprises (PME), qui emploient plus de la moitié de la population active, demandent un accès facilité au financement, une fiscalité plus souple, et une simplification des procédures administratives. Les jeunes entrepreneurs, en particulier, font face à une jungle bureaucratique qui freine l’innovation.
De leur côté, les grandes entreprises espèrent un cadre macroéconomique plus stable, des infrastructures modernes, et une politique industrielle cohérente pour soutenir l’investissement productif.


Santé publique : répondre à une demande croissante

Le système de santé mauricien fait face à une surcharge chronique. Le manque de personnel médical et paramédical est criant, les infrastructures hospitalières sont dépassées, et les délais de prise en charge s’allongent. Le MTUC appelle à un recrutement massif dans le secteur de la santé, ainsi qu’à la
mise en place d’une assurance maladie nationale accessible à tous, financée par une cotisation symbolique mais universelle.


Éducation : former pour l’avenir
La modernisation du système éducatif est une priorité reconnue. Les professionnels du secteur insistent sur la nécessité de généraliser les outils numériques dans les écoles, de renforcer la formation continue des enseignants, et d’intégrer des modules d’orientation professionnelle dès le secondaire. Il s’agit aussi de réformer le système de bourses afin de mieux accompagner les élèves issus de milieux défavorisés.


Agriculture et pêche : une souveraineté alimentaire à bâtir

Face aux vulnérabilités liées aux importations, les agriculteurs réclament une politique de souveraineté alimentaire volontariste : subventions pour les intrants agricoles, soutien à l’innovation agronomique, accès à l’eau et au foncier. Le secteur de la pêche demande quant à lui davantage de moyens
pour la surveillance maritime, la valorisation de la pêche artisanale et la lutte contre les activités illégales.


Environnement : une transition écologique attendue
Les ONG environnementales insistent sur l’urgence d’adopter des mesures concrètes : transition énergétique vers les renouvelables, développement de l’économie circulaire, lutte contre la pollution plastique, meilleure gestion des déchets, protection des zones côtières face à l’érosion. L’heure n’est plus aux discours mais aux actes, avertissent-elles.


Logement, transport et infrastructures : répondre à la pression démographique
Face à la hausse des prix de l’immobilier, les citoyens demandent un accès élargi à un logement abordable et décent. Sur le plan du transport, l’extension du Metro Express vers les régions moins desservies est réclamée. Par ailleurs, le secteur automobile propose un comité technique pour résoudre les défis spécifiques du marché local, comme la taxation et l’importation des véhicules.

Le budget de la vérité
Le Budget 2025-2026 s’annonce comme le véritable test politique du gouvernement Ramgoolam. Il devra démontrer sa capacité à conjuguer prudence budgétaire, ambition réformatrice et sens de la justice sociale. C’est un moment de vérité : redonner confiance aux ménages, rassurer les investisseurs, et tracer une vision claire pour les années à venir.
Plus qu’un simple exercice comptable, ce budget pourrait bien définir la trajectoire politique de ce gouvernement pour le reste du mandat. Le rendez- vous du 5 juin est donc capital – pour l’économie, mais aussi pour l’avenir du pays.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *