Aadi Perukku : un héritage culturel vivant entre traditions, rivières et renouveau conjugal

ByRédaction

August 3, 2025

Ce dimanche, la communauté tamoule de Maurice célèbre avec ferveur l’Aadi Perukku, également connu sous le nom de Pathinettam Perukku. Cette fête spirituelle, empreinte de symbolisme et d’histoire, puise ses racines dans le Sud de l’Inde, plus précisément au Tamil Nadu. Mais à Maurice, elle prend une couleur toute particulière, entre rituels ancestraux, valeurs familiales et gestes de foi transmis de génération en génération.

Bien plus qu’une simple commémoration religieuse, l’Aadi Perukku est un rituel de gratitude à la nature, une ode à l’eau, à la fertilité et à la vie. Elle marque le début de la saison des pluies dans l’hémisphère sud indien et symbolise l’abondance, la prospérité, ainsi que la purification.

La rivière, source de vie et de renouveau

L’un des aspects les plus emblématiques de cette fête est sans conteste le lien sacré avec l’élément de l’eau. Dans les traditions tamoules, l’eau est perçue non seulement comme un bien vital, mais aussi comme un agent de purification, de fertilité et de protection divine. À cette période de l’année, les rivières sont en crue, signalant le retour des pluies tant espérées pour l’agriculture. Le calendrier tamoul fait coïncider cette montée des eaux avec le 18e jour du mois d’Aadi, moment où les familles affluent vers les berges des rivières pour y déposer leurs prières.

Les offrandes varient d’une région à l’autre, mais toutes sont marquées par la dévotion et la simplicité : riz au safran (chitrannam), fleurs, lampes à huile, encens, feuilles de manguier et parfois même de petites statues de divinités, soigneusement déposées sur les rives.

Un renouvellement conjugal sous le regard de Mariamman

Si Aadi Perukku est célébré par tous les membres de la communauté, elle est aussi une occasion pour les couples mariés de renouveler leur engagement mutuel. Cette cérémonie se déroule généralement au bord d’une rivière, lieu symbolique associé à la pureté, à la fertilité et à la vie.

Main dans la main, les époux se présentent devant la divinité pour réaffirmer leur engagement, souvent par l’échange de guirlandes de fleurs, de prières communes, ou encore par le remplacement du cordon nuptial sacré, le thaali.

Selon l’aya Keswa Rungen, figure spirituelle respectée à Maurice, ce rite a une signification profonde :

« Le thaali est bien plus qu’un simple bijou. Il incarne l’union sacrée entre deux âmes. Lorsqu’il est renouvelé à Aadi Perukku, immergé dans l’eau ou béni par les prières, il symbolise la longévité du mariage et la bénédiction de la déesse Mariamman, gardienne de la santé et de la prospérité. »

À Ebène, lieu emblématique de la célébration à Maurice, les berges accueillent chaque année des dizaines de couples, jeunes ou plus expérimentés, dans une ambiance de piété joyeuse.

Un exemple de fidélité rituelle : Jaynaden et Christina Murugan

Parmi les fidèles de cette célébration, Jaynaden et Christina Murugan, résidents à Dubreuil, sont devenus un symbole de constance. Mariés depuis 23 ans, ils participent chaque année à la cérémonie à Ebène.

« Cela fait 23 ans que nous nous sommes dit oui, et chaque année Christina échange son thaali ici même, au bord de la rivière, » explique Jaynaden.
Christina poursuit : « C’est un moment important pour nous. Même si nous devons prendre un jour de congé, nous le faisons. On voit beaucoup de jeunes couples ici, mais nous, on continue à venir. C’est notre manière de garder notre flamme vivante, sous la bénédiction divine. »

Une tradition en mutation, mais toujours vivante

Bien que certains aspects du rituel aient évolué avec le temps, adoption de thaali en or, photographies partagées sur les réseaux sociaux, présence de jeunes couples urbains , l’essence d’Aadi Perukku demeure intacte. La foi, le respect de la nature, l’amour conjugal et la transmission culturelle restent les piliers de cette célébration.

De nombreux jeunes, comme Sundaresan, 27 ans, y voient un pont entre tradition et modernité :

« Aujourd’hui, on travaille tous, on vit dans un monde connecté, rapide. Mais quand on vient ici, au bord de la rivière, on se déconnecte. On revient à quelque chose de vrai, d’essentiel. »

L’aspect intergénérationnel est également fort : les enfants accompagnent leurs parents, observent les gestes, récitent des prières, et apprennent par l’exemple. C’est dans ce geste de transmission tranquille que réside peut-être la force silencieuse de l’Aadi Perukku.

Enracinée dans des siècles d’histoire, l’Aadi Perukku traverse le temps sans perdre son âme. Elle rappelle à chacun que l’amour, la foi et le respect de la nature peuvent s’unir dans un même élan, dans un même rituel.

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