- Et si Maurice devenait la capitale verte de l’Afrique ?
Maurice pourrait-elle devenir un modèle énergétique pour l’Afrique ? C’est l’ambition portée par AET Ltd Mauritius, qui étudie actuellement la faisabilité d’un projet inédit : implanter sur notre territoire la première usine africaine de carburants verts produits à partir de biomasse locale.
Ce projet, encore à l’étape d’évaluation, pourrait transformer le paysage énergétique de l’île. Il s’agirait de produire localement des carburants propres – essence, diesel, jet fuel – sans dépendre du pétrole importé, et sans modifier ni les moteurs, ni les infrastructures existantes.
Une technologie américaine, une solution mauricienne ?
Au cœur de ce projet se trouve la Riomar Reformer Technology, développée et brevetée aux États-Unis. Elle permettrait, selon les porteurs du projet, de transformer des plantes à croissance rapide comme l’Elephant Grass et le Sorgho de Savane en carburants identiques à ceux actuellement utilisés. Résultat : un carburant propre, local, et prêt à l’emploi, sans modification nécessaire pour les véhicules ou les avions.
Mais attention : il s’agit pour l’instant d’un projet en phase d’étude. Aucune autorisation officielle n’a encore été délivrée, et plusieurs étapes réglementaires restent à franchir.
André Le Roux (AET Ltd) : « Ce projet pourrait faire de Maurice un leader en énergie propre »
« Ce que nous proposons, c’est une transition énergétique complète, qui repose sur l’agriculture durable, la technologie, et l’indépendance énergétique », explique André Le Roux, directeur d’AET Ltd. « Si ce projet voit le jour, il permettra à Maurice de produire son propre carburant, de stabiliser les prix en les indexant sur le coût de la vie locale, et de créer une chaîne de valeur circulaire entre l’énergie, l’agriculture et l’industrie. Mais nous sommes encore dans une phase d’évaluation technique, environnementale et institutionnelle. »
Comment ça fonctionnerait
Le plan, tel que présenté, prévoit une production journalière de :
100 000 litres de diesel vert |
50 000 litres d’essence 95 |
50 000 litres de jet fuel (Jet A1) |
4 000 litres de gaz de pétrole liquéfié (LPG) |
Et 20 mégawatts d’électricité grâce au sous-produit de transformation : le syngas |
Les cendres, riches en nutriments, seraient utilisées comme fertilisants pour les cultures – un exemple d’économie circulaire.
Une vision régionale, mais encore hypothétique
En parallèle, AET Ltd travaille sur un projet similaire à Madagascar, avec une capacité annoncée dix fois supérieure. Mais là encore, tout dépendra des validations réglementaires et de la logistique régionale. « L’objectif est de créer une plateforme énergétique verte dans la région sud-ouest de l’océan Indien. Mais cela ne pourra se faire qu’en partenariat étroit avec les autorités locales », insiste André Le Roux. Si ce projet suscite l’intérêt, il n’est pas encore garanti qu’il verra le jour à Maurice. L’entreprise est toujours en discussion avec la State Trading Corporation (STC) et d’autres acteurs institutionnels. Des études d’impact sont nécessaires, tout comme une évaluation de la capacité locale à fournir la biomasse à grande échelle.
Un pari audacieux, mais pas encore tranché
Produire un carburant vert mauricien, à prix fixe, et sans dépendance aux marchés mondiaux : l’idée séduit. Mais le chemin est encore long. Maurice doit peser le pour et le contre, les opportunités industrielles et les risques écologiques ou économiques. Si les voyants passent au vert, le pays pourrait entrer dans l’histoire énergétique du continent. Mais pour l’instant, ce n’est qu’un projet.
Des solutions alternatives pour éviter une crise énergétique
Face à une hausse constante de la demande en électricité et à un réseau national approchant ses limites de capacité, le gouvernement mauricien se mobilise pour éviter toute crise énergétique. La question a été portée sur le devant de la scène parlementaire la semaine dernière, lors d’une Private Notice Question (PNQ) posée par le Leader de l’Opposition. En réponse, le ministre de l’Énergie et des Services publics, Patrick Assirvaden, a tenu à rassurer la population tout en martelant un message fort : « Le respect de notre engagement environnemental est non négociable. »
Ainsi, toutes les mesures envisagées — qu’elles soient transitoires ou structurelles — devront impérativement respecter les normes écologiques. Parmi les options explorées, figure le recours à des “power ships”, c’est-à-dire des barges turques flottantes équipées de générateurs capables de produire de l’électricité. Cette solution, temporaire par nature, est actuellement à l’étude dans le cadre de discussions avancées avec la Turquie. Elle permettrait de répondre rapidement à des besoins ponctuels, notamment en période de pointe ou en cas de perturbations sur le réseau.Mais l’approche gouvernementale se veut plus large. Des échanges stratégiques sont en cours avec plusieurs partenaires internationaux, dont la Chine, la France et l’Inde, afin de renforcer l’expertise technique et diversifier les sources d’approvisionnement. Une équipe technique indienne se trouve déjà sur le terrain pour collaborer avec les autorités locales à l’évaluation des solutions les plus adaptées au contexte mauricien.
Enfin, la transition énergétique à long terme reste au cœur de la stratégie nationale, avec la poursuite des investissements dans les énergies renouvelables, en particulier le solaire. Le gouvernement entend ainsi construire un système énergétique plus résilient, sobre en carbone et respectueux des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris.
Cette approche multipolaire vise à préserver la stabilité énergétique du pays tout en préparant l’avenir dans un cadre durable et souverain.