D’hier à aujourd’hui : quand les loups se déguisent en agneaux

ByRédaction

June 30, 2025

Hier, ils étaient les hooligans de la République. Arrogants dans leur pouvoir, brutaux dans leur méthode, sourds aux cris des citoyens. Ils gouvernaient par la force, le mépris et les chiffres maquillés. Aujourd’hui, ils se découvrent une conscience sociale, marchent bras dessus bras dessous avec ceux qu’ils bâillonnaient, scandant des slogans contre un système qu’ils ont eux-mêmes façonné. Ils pleurent sur une pension qu’ils ont contribué à saborder. Et la scène serait presque risible si elle n’était pas aussi indécente.

Samedi dernier , l’ironie politique a atteint un sommet d’ignominie  dans les rues de la capitale . Aux côtés des syndicats mobilisés contre le relèvement de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans, on a vu défiler ni plus ni moins que les anciens dignitaires du pouvoir déchu : Pravind Jugnauth, ancien Premier ministre, et Renganaden Padayachy, ex-ministre des Finances. Oui, ceux-là mêmes qui, hier encore, défendaient bec et ongles une politique d’austérité masquée sous des airs de modernité budgétaire. Ceux-là mêmes qui ont plombé les finances publiques, engendrant des déficits monstres et une dette record.

Le Premier ministre actuel le Dr Navin Ramgoolam , dans une formule pleine de mordant teintée d’un accent bhojpuri assumé, a eu cette phrase cinglante : « Hier hooligans, aujourd’hui anges. » Une punchline qui résume à elle seule le cynisme d’une classe politique qui, par pur calcul électoral, enfile un gilet de contestataire pour mieux dissimuler son propre naufrage moral.

Mais peut-on vraiment croire à la sincérité d’un homme comme Pravind Jugnauth, dont le gouvernement a initié tant de mesures impopulaires sans jamais consulter personne ? Peut-on faire confiance à Renganaden Padayachy, qui a maquillé les chiffres du déficit budgétaire, creusé un gouffre fiscal et vanté des réformes “nécessaires” devenues aujourd’hui inacceptables à ses yeux ? Le mal est fait, et voilà qu’ils se positionnent en sauveurs, en alliés des travailleurs, en défenseurs d’une cause populaire.

Un exercice de réhabilitation politique aussi grotesque que dangereux.

Car ne nous y trompons pas : cette apparition dans la rue, main dans la main avec les syndicats, n’a rien de sincère. C’est une opération de communication, une tentative pathétique de redorer une image ternie par des années de mauvaise gouvernance, d’arrogance technocratique et de décisions antisociales. Ils veulent faire oublier leur bilan catastrophique en se plaçant aux côtés de ceux qu’ils ont si longtemps méprisés. Mais les citoyens, surtout les jeunes, ne sont pas dupes.

La jeunesse, justement, regarde ce cirque avec dégoût. Elle qui aspire à une politique de vérité, d’intégrité, de responsabilité, voit défiler une clique de revenants sans honneur ni dignité. Les jeunes détestent ces politiciens caméléons, prêts à toutes les pirouettes pour revenir dans la lumière. Comment ne pas ressentir de la honte ? Comment oser se présenter sur une estrade syndicale quand on porte sur ses épaules le poids d’un système qu’on a contribué à pourrir ?

Il faut le dire sans détour : cette manifestation n’était pas une action politique, comme certains ont voulu le faire croire, mais bel et bien une mobilisation syndicale, légitime, structurée, et profondément citoyenne. Y greffer des visages politiques déchus, c’est salir le combat, détourner l’attention, pervertir la lutte. La sincérité des syndicats mérite mieux que cette récupération opportuniste.Le peuple a de la mémoire. Il se souvient des discours, des dérives, des violences symboliques et institutionnelles. Il n’a pas oublié les coups portés à la démocratie, la mainmise sur les institutions, les affaires étouffées, la criminalisation des opposants. Et voilà que ceux-là mêmes viennent chanter la justice sociale ? C’est une insulte à l’intelligence collective.

Il est temps que cessent ces mascarades. Il est temps que les figures du passé acceptent leur échec et laissent la place. Le pays a besoin d’un vrai renouveau, pas d’un recyclage d’anciens bourreaux déguisés en martyrs. Car tant que ceux qui ont échoué ne reconnaissent pas leur responsabilité, ils resteront les fossoyeurs de notre démocratie.

Alors oui, samedi, la rue a vibré. Mais pas grâce à eux. Malgré eux. Et c’est bien là toute la différence