Thierry Montochio : « Le tourisme mauricien doit rester durable et soutenable »

ByRédaction

October 7, 2025

À la veille de passer le témoin à la présidence de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), Thierry Montochio fait le point sur deux années marquées par la reprise post-Covid, la concurrence régionale accrue et les défis de main-d’œuvre. Dans cet entretien , il livre son regard sur le secteur, ses succès, ses inquiétudes et les pistes d’avenir pour maintenir Maurice au rang de destination touristique d’excellence.

Votre mandat à la tête de l’AHRIM touche à sa fin. Quel bilan tirez-vous ?
Nous sortons de deux années très positives. Après la pandémie, il fallait rattraper le temps perdu et relancer le secteur. La croissance a été graduelle, mais elle est bien là. En 2025, nous atteignons 1,4 million de touristes, un chiffre qui confirme la solidité de notre reprise. Les réservations pour les prochains mois sont également encourageantes : jusqu’en février 2026, nous dépassons déjà nos projections.

Pourtant, le contexte international reste fragile…
C’est vrai, la situation géopolitique est préoccupante. Plusieurs marchés clés connaissent un ralentissement. Mais Maurice a su tirer son épingle du jeu grâce à son image de destination sûre. Nous avons compensé certaines baisses, notamment sur notre marché principal, par de bonnes progressions en Afrique du Sud et au Royaume-Uni. Cela montre la résilience du secteur et la capacité à ajuster nos efforts. Mais il faut rester vigilants : les risques demeurent.

« Miser sur la qualité plutôt que sur la quantité »

Quelles ont été les grandes différences stratégiques ces dernières années ?
Maurice est une destination mature. Contrairement à nos compétiteurs, nous avons déjà atteint une certaine stabilité. L’accent a donc été mis sur la qualité et la diversité de l’offre. Nous avons développé des niches comme le golf, la gastronomie ou encore la culture. En parallèle, l’offre aérienne a fortement progressé : à la fin de 2025, nous disposerons d’environ 2,3 millions de sièges. La visibilité est aussi essentielle. Nous avons participé aux grandes foires, comme Top Resa à Paris, afin de maintenir notre présence sur nos marchés historiques.

Mais certains concurrents affichent des croissances spectaculaires. Sommes-nous moins compétitifs ?
Pas du tout. Les Maldives, les Seychelles, le Sri Lanka ou Zanzibar partent encore de plus bas. Leur croissance en pourcentage est donc naturellement plus forte. Maurice est déjà une marque touristique reconnue. Nous avons volontairement choisi de ne pas entrer dans une logique de sur-tourisme. L’enjeu est la durabilité : attirer les bons volumes, mais surtout maintenir une expérience de qualité et préserver nos atouts environnementaux.

« Les recettes sont solides mais doivent progresser »

Certains observateurs estiment que nos recettes restent inférieures à celles de nos rivaux. Pourquoi ?
Nos visiteurs dépensent en moyenne Rs 80 000 par séjour, ce qui est une base solide. La différence s’explique par le positionnement. Aux Seychelles ou aux Maldives, l’essentiel de l’offre est concentrée sur du haut de gamme – 4 et 5 étoiles – attirant une clientèle plus dépensière. Maurice, à l’inverse, offre toute une palette d’options, du 1 au 5 étoiles, ce qui élargit notre spectre et démocratise l’accès. Cette diversité est une force, mais elle explique aussi pourquoi la moyenne des recettes peut sembler plus basse.

Qu’en est-il de la relation avec les autorités publiques, notamment après le changement de gouvernement ?
Nous entretenons une relation excellente avec nos partenaires étatiques. Elle repose sur le dialogue et le respect mutuel. Nous avons toujours pu travailler de manière constructive avec le ministère du Tourisme et les institutions concernées. Ce climat de confiance est fondamental pour trouver des solutions aux défis du secteur.

Et pour 2026, quelles perspectives se dessinent déjà ?
Nous avons de la visibilité. Pour les deux premiers mois de l’année, les réservations sont en hausse de 15 % par rapport à 2025. L’engouement constaté lors des salons, notamment en France, laisse présager de bons résultats. Nous devons capitaliser sur cette dynamique.

« Les Mauriciens resteront en première ligne »

Comment Maurice entend-elle diversifier davantage son offre touristique ?
La diversification se joue d’abord sur l’aérien. Il faut ouvrir de nouvelles routes vers l’Asie du Sud-Est et la Chine, sans fragiliser Air Mauritius. Ensuite, il s’agit d’enrichir l’expérience : mettre en avant notre patrimoine culturel, intégrer des expériences immersives, développer la gastronomie et renforcer le tourisme durable. Nous devons aussi continuer à agir face aux enjeux environnementaux comme l’érosion des côtes.

La main-d’œuvre reste un sujet sensible. Une solution durable a-t-elle été trouvée ?
Il faut être lucide : les travailleurs étrangers font partie intégrante du secteur. Leur présence est devenue nécessaire car nombre de professionnels mauriciens formés ont été recrutés à l’étranger, preuve de leur compétence. La clé reste le bon équilibre : les Mauriciens doivent continuer à incarner le visage et le cœur de l’hospitalité locale, tandis que les étrangers viennent en soutien. Ils jouent un rôle complémentaire important, mais le ratio doit rester en faveur des travailleurs mauriciens

Mot de la fin ?

 Mon souhait est simple : que Maurice reste fidèle à son ADN. Nous devons continuer à accueillir chaque visiteur avec chaleur et professionnalisme, sans jamais sacrifier notre environnement ni notre identité. Le tourisme est notre fierté, mais il ne peut s’épanouir que s’il reste durable et équitable, autant pour les visiteurs que pour les Mauriciens. »