SPORTIF D’ANTAN – ROBERT ESPITALIER NOËL : 1974 : l’année de référence du football mauricien

ByRédaction

October 14, 2025

Un demi-siècle plus tard, les héros de la CAN 1974 restent gravés dans la mémoire collective. Robert Espitalier Noël, vice-capitaine de la sélection mauricienne, revient sur cette épopée unique et sur l’esprit d’équipe qui fit vibrer tout un peuple.

Roland Augustin, Robert Espitalier Noël, Permanand Ramchurn, David Bathfield, Jean-Marc Chevreau, Chow Chin Sung, Farouk Dinally, Cassam Moniaruck, France Moutou, Jean Florine, Danny Imbert, Anwar Jackaria, Reshad Mungly, Serge Munso, Shyana Oodunt, Sylvio Jatha, Édouard Leste, Raoul Maurel, Alain Perdrau et l’entraîneur Mamade Elahee.
Ces noms résonnent encore comme ceux d’une génération dorée. En 1974, ils sont les seuls Mauriciens à avoir participé à une phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Un exploit que le pays n’a jamais réédité depuis.

Robert Espitalier Noël, alors vice-capitaine, se souvient avec émotion de cette page d’histoire. « C’était un rêve devenu réalité, un moment de fierté nationale. Nous avions conscience que nous représentions tout un peuple », raconte-t-il.
C’est lui qui avait inscrit le tir décisif lors du match de qualification contre la Tanzanie, offrant à Maurice sa place pour l’Égypte. Ce jour-là, le football mauricien toucha les étoiles.

Une passion qui unissait

Dans les années 1970, le football régnait sans partage. Dans chaque ruelle, chaque cour d’école, on tapait dans un ballon fait de chiffons ou de plastique. L’annonce de la qualification déclencha une vague d’euphorie à travers l’île.
« Nous étions devenus, sans le chercher, des symboles d’unité. Peu importait la communauté ou l’origine. Nous étions tous Mauriciens avant tout », se rappelle Robert Noël.

Au cœur de cette cohésion se trouvait un homme : l’entraîneur Mamade Elahee. Avec peu de moyens mais une immense détermination, il a su créer un groupe soudé.
« Les entraînements se faisaient avec les moyens du bord, souvent dans la bonne humeur, parfois avec des ballons rafistolés. Mais c’est cette simplicité qui nous a forgés », dit-il.
Elahee, homme de rigueur et de cœur, inculquait la discipline, la camaraderie et la conviction que le collectif surpassait tout. Derrière lui, une équipe dévouée de soignants et d’assistants travaillait dans l’ombre, cimentant la solidarité du groupe.

Une aventure humaine inoubliable

Le départ pour l’Égypte fut un moment solennel. « Nous savions que nous partions écrire une page de l’histoire », confie l’ancien joueur. Le groupe, qualifié de « petit poucet » de la compétition, allait pourtant surprendre.
Face à des équipes bien plus expérimentées, Maurice ne baissa jamais les bras. « Les journalistes étrangers disaient que nous jouions avec le cœur. Même si nous n’avons pas gagné, nous avons prouvé que Maurice méritait sa place », se souvient-il.

Le buteur vedette Danny Imbert marqua deux fois durant la phase de groupes, offrant aux Mauriciens une reconnaissance continentale. L’équipe, malgré les défaites, revint au pays sous les acclamations. Les rues de Port-Louis et Curepipe vibraient encore au rythme de leurs exploits.

Des héros restés modestes

Après le tournoi, la vie reprit son cours. Les joueurs retournèrent à leurs métiers, mais la fraternité demeura. « Cinquante ans après, quand on se retrouve, c’est comme si c’était hier », sourit Robert Noël. Plusieurs membres de l’équipe ont aujourd’hui disparu, mais leur souvenir reste vivant dans le cœur de ceux qui ont connu cette époque bénie du sport mauricien.

Les retrouvailles, organisées à intervalles réguliers, sont empreintes de nostalgie et de gratitude. « Nous étions des passionnés, pas des professionnels. Ce que nous avons accompli venait du cœur », souligne-t-il.

« Nous n’avions ni équipement sophistiqué, ni terrains modernes. Certains jouaient avec des chaussures trouées »

Pour Robert Espitalier Noël, l’exploit de 1974 doit servir de repère aux jeunes footballeurs mauriciens. « Nous n’avions ni équipement sophistiqué, ni terrains modernes. Certains jouaient avec des chaussures trouées ou des maillots rapiécés. Pourtant, nous avons atteint le sommet continental », rappelle-t-il.
Il estime que si la même passion animait la jeunesse d’aujourd’hui, Maurice pourrait de nouveau rêver grand.

« Avec les infrastructures, la technologie et les moyens actuels, il n’y a aucune raison de ne pas faire mieux que nous. Le secret reste le même : la discipline, la foi en l’équipe et la fierté de porter le maillot national. »

Un héritage à honorer

L’épopée de 1974 n’est pas seulement un souvenir glorieux, c’est un héritage moral. Elle symbolise une époque où le sport dépassait les frontières sociales, où le drapeau mauricien flottait au rythme des chants et des émotions partagées.
Aujourd’hui encore, le nom de Robert Espitalier Noël incarne cette flamme d’un football authentique, passionné et uni. « Tant qu’il y aura des jeunes pour rêver de football, l’esprit de 1974 continuera de vivre », conclut-il, le regard empreint de nostalgie et de fierté.