Interdiction de départ : un outil de justice… ou une arme à double tranchant ?

ByRédaction

June 30, 2025

Depuis quelques semaines, le terme “Objection to Departure” revient avec insistance dans plusieurs dossiers sensibles. Qu’ils soient convoqués au FCC ou à la police, certains suspects – parfois des personnalités bien connues – se voient interdits de quitter le territoire. Cette mesure, souvent perçue par le public comme une condamnation anticipée, suscite inquiétudes et confusion. Que dit réellement la loi ? Dans quels cas peut-on vous bloquer à l’aéroport ? Et quels sont vos droits en tant que citoyen ? Me Yatin Varma, ancien Attorney General et homme de loi, nous éclaire sur les rouages de cette procédure.

Qu’est-ce qu’une Objection to Departure ?

Dans le langage juridique mauricien, une Objection to Departure (opposition au départ) est une mesure imposée par les autorités pour empêcher une personne de quitter le territoire, généralement parce qu’elle est impliquée dans une enquête ou une procédure judiciaire. Elle vise à éviter qu’un suspect, un accusé, voire un simple témoin clé, ne prenne la fuite avant que la justice n’ait fait son travail. À Maurice, cette mesure prend souvent la forme d’un Prohibition Order (Ordre d’interdiction de départ), émis par une Cour après le dépôt d’une provisional information (plainte provisoire). La personne concernée est alors tenue de remettre son passeport à l’Immigration, et toute tentative de voyage est bloquée.

 Base légale à Maurice : entre droits constitutionnels et nécessité publique

La Constitution mauricienne, en son article 15, garantit la liberté de circulation, incluant expressément le droit de quitter le territoire. Toutefois, cette liberté n’est pas absolue : des restrictions “raisonnables” peuvent être imposées dans l’intérêt de la défense, de l’ordre public, de la sécurité publique, de la morale publique ou de la santé publique.

La jurisprudence a posé des garde-fous : dans l’affaire Dookhy v Passport & Immigration Officer (1987 SCJ 196), la Cour suprême a estimé que si une restriction est prolongée sans surveillance judiciaire, elle devient contestable.

 Le rôle de la police et de la FCC : mécanisme prévu par la Bail Act

La loi de référence est la Bail Act de 1999. Elle donne à certaines autorités – notamment un officier de police du rang d’Assistant Superintendent ou plus, ou encore le Directeur Général de la FCC (Financial Crimes Commission) – le pouvoir de demander une interdiction de départ temporaire de 72 heures, le temps de déposer une demande formelle devant un tribunal.

Selon l’article 14 de cette loi, une Prohibition Order peut être émise si le magistrat est convaincu que la présence de l’accusé est essentielle pour la suite des procédures.