Il a tenu des propos maladroits. Une phrase mal formulée, une idée mal exprimée, peut-être mal pensée. Et très vite, la machine s’est emballée. Les réseaux sociaux l’ont pris en chasse. Les commentaires haineux ont plu. Les jugements définitifs ont fusé. On a oublié qu’il s’agissait d’un jeune homme. Un être en construction. Un être humain.
Ce que nous avons vu ces derniers jours est symptomatique d’une dérive moderne : la culture de la lapidation publique. Ce jeune, après avoir évoqué la problématique de la drogue dans certains quartiers populaires, a cité des noms — Roche-Bois, Sainte-Croix — dans une tournure malheureuse. Une généralisation hâtive, sans doute. Mais pas un appel à la haine. Pas une intention de nuire.
Il s’est excusé. Avec sincérité. Et ses excuses ont été noyées dans un flot de violence verbale. Comme si l’erreur, dans notre société, ne servait plus à apprendre, mais à condamner.
À 18 ou 20 ans, on ne sait pas tout. Et c’est tant mieux. C’est l’âge des tâtonnements, des remises en question, des provocations maladroites. C’est aussi une période où l’émotion déborde, où les mots dépassent parfois la pensée. Ce jeune ne s’est pas dérobé : il a reconnu son erreur, il a appris, il veut faire mieux. Pourquoi alors vouloir l’écraser ?
Éduquer plutôt que crucifier
Notre rôle d’adultes, de citoyens, n’est pas de punir à mort ceux qui se trompent. C’est d’enseigner. De corriger. De tendre la main. Ce jeune aurait pu fuir, se taire, camper sur ses positions. Il ne l’a pas fait. Il a choisi de s’excuser. Et c’est cela, le vrai courage.
Mais il faut aussi dire ceci : les quartiers qu’il a mentionnés à tort ne sont pas des “ghettos de drogués”. Ils sont bien plus que cela. Roche-Bois, c’est Jacques, qui aide son voisin chaque matin sans rien attendre. Sainte-Croix, c’est Natacha, qui s’engage auprès des enfants en difficulté. C’est Vikash, bénévole auprès des ONG, qui croit encore au pouvoir du collectif. Ces lieux sont faits d’humanité, de courage, de dignité. Il y a, oui, des problèmes. Comme partout. Mais aussi de la solidarité, de l’entraide, des réussites.
Il ne faut pas laisser une phrase maladroite entacher la réputation de ceux qui luttent, chaque jour, pour leur famille, leur quartier, leur pays. Ce serait faire doublement injustice : au jeune qui apprend, et aux citoyens engagés qui, eux, n’ont rien dit mais subissent quand même.
Posons-nous la question. Que voulons-nous construire ? Une société où la moindre faute vaut bannissement ? Où les jeunes n’ont pas le droit de trébucher ? Ou bien une société qui croit encore au dialogue, à l’apprentissage, à la réparation ? Nous ne pouvons pas exiger la maturité d’un adulte de ceux qui sont encore en apprentissage de la vie. Ce serait cruel. Et hypocrite.
Car la plupart d’entre nous avons, à leur âge, commis des erreurs. La seule différence, c’est que nous n’étions pas filmés. Ni exposés à des milliers de juges invisibles, prêts à frapper au moindre faux pas.
Bâtir, ensemble
Alors, arrêtons de réclamer des excuses si c’est pour les rejeter ensuite. Offrons à nos jeunes ce que nous avons reçu : le droit à l’erreur. Et la possibilité de devenir meilleurs.
Le vrai courage aujourd’hui, ce n’est pas de crier plus fort que les autres sur Facebook. C’est de dire : « Tu t’es trompé. Viens, on t’explique. On t’accompagne. » Ce jeune a trébuché. Donnons-lui la possibilité de se relever — et d’avancer. Ensemble.
Et à ceux qui vivent à Roche-Bois, à Sainte-Croix, et ailleurs : vous êtes la preuve vivante que ces quartiers sont debout, dignes, pleins d’âmes fortes. Merci de ne pas laisser une parole malheureuse vous définir. Merci de continuer à agir, à espérer, à construire. Ce sont vos gestes, silencieux mais puissants, qui racontent la vraie histoire de Maurice